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Des anges, de vieux sphinx, des moines, des héros,
Et des dieux verts avec des têtes de taureaux,

Qui, rêvant en silence et baissant la paupière,
Chantaient confusément la symphonie en pierre.

Et moi pendant ce temps je flottais, alité,
Entre la rêverie et la réalité.

Et je voyais toujours. Au milieu de la salle,
Une table brillait, splendide et colossale.

Chaque plat ciselé contenait un trésor
Détaillé par l’éclat de cent torchères d’or.

Le festin fabuleux aux recherches attiques
S’illuminait de neige et d’iris prismatiques,

Et, comme la lumière, un doux parfum éclos
Semblait briller de même et rayonner à flots.

Chaque climat lointain, de l’Irlande à l’Asie,
Avait donné son luxe ou bien sa fantaisie :

Qui ses surtouts d’argent, qui son oiseau vermeil,
Qui ses fruits veloutés au baiser du soleil.

Et le nectar divin, mystérieux poème,
Emplissait de ses feux les verres de Bohême.