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Nous entendrons, parmi nos plaisirs sans mélanges,
Des chants mystérieux et plus doux que le miel,
Si bien qu’on ne sait pas, tant ces voix sont étranges,
Si ce sont des voix d’homme ou bien des lyres d’anges,
         Des chants de la terre ou du ciel.

De même, quelquefois, au-dessus de nos têtes,
Nous entendrons aussi frémir des vents glacés,
Des zéphyrs ondoyants ou d’ardentes tempêtes
Portant des mots de haine ou des chansons de fêtes,
         Et nous nous dirons, enlacés :

Qu’importent maintenant à notre âme cachée
Ces flots tumultueux qui changent si souvent ?
Le bonheur, c’est la nuit, la feuille desséchée,
La paresse aux pieds nus, nonchalamment couchée
         Loin des bruits du monde vivant.

Qu’importent maintenant, lorsque tout dégénère,
Ces hommes de là-bas à cent choses liés,
Qui, ravivant en eux la plaie originaire,
Pour atteindre dans l’ombre un but imaginaire
         Heurtent leurs pas multipliés ?

Les uns, jeunes enfants dont la cohorte arrive
Au banquet somptueux qui caresse leur faim,
Sous les lustres dorés et la lumière vive
Disent des chœurs joyeux, dont plus d’un gai convive
         Ne pourra pas chanter la fin.