Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée

         Et sous cet ardent souvenir
         Du temps qui ne peut revenir
         Et dont un seul instant vous sèvre,
         Je me débattais dans la nuit
         Comme sous un spectre qu’on fuit
         Dans les visions de la fièvre ;
         Puis je m’endormis, terrassé,
         Le sein nu, l’écume à la lèvre,
         Les yeux brûlants, le front glacé.

Quand je rouvris les yeux, ô visions étranges !
Je vis auprès de moi deux femmes ou deux anges
         Avec de splendides habits,
Toutes les deux montrant des beautés plus qu’humaines
Et laissant ondoyer leurs tuniques romaines
         Sur des cothurnes de rubis.

         L’une aux cheveux roulés en onde,
         Étalait haut sa tête blonde
         Sur les lignes d’un cou nerveux ;
         Ardente comme un vent d’orage,
         Quand son front commandait l’hommage,
         Sa lèvre commandait les vœux ;
         L’autre, plus blanche que l’opale,
         Sous le manteau de ses cheveux
         Voilait une beauté fatale.