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                           Damète.

Ambitieux déjà de la couche d’Hélène,
Et dans ses chastes nuits s’abîmant à songer,
Son cœur de roi battait sous l’habit du berger !

                           Daphnis.

Quelle reine, ô Pâris ! va devenir ta proie,
Et faire de nos champs une nouvelle Troie !

                           Damète.

Quelle nymphe, aveuglée en son amour fatal,
Ouvrira sous tes pas son palais de cristal ?

                           Daphnis.

J’ai du moins le secret de leur chant doux et tendre.

                           Damète.

Va, rustique pasteur, tu ne peux me comprendre.
Écoute. Un jour, poussé par cette voix des Dieux
Qui conduisit jadis nos héros glorieux,
J’ai quitté nos troupeaux, nos prés, nos champs fertiles,
Pour ce souffle brûlant qui consume les villes.
J’ai vu Rome aux sept monts, la ville des Césars,
Avec ses palais d’or, avec ses bruits de chars,
Ses temples, ses tombeaux, son fleuve, ses arènes,
Et ses reines d’amour plus belles que les reines ;
Et la grande cité d’esclaves et de rois
Avec ses chants divins a fécondé ma voix !