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Moi, je suis un jeune poète
Dont la rêverie inquiète
N’a jamais connu d’autre fête
Que l’azur et le lys en fleur.
Je n’ai pour trésor que ma plume
Et ce cœur broyé, qui s’allume,
Comme le fer rouge à l’enclume,
Sous le lourd marteau du malheur.

Mon âme était comme cette onde
Pleine d’amertume, qui gronde
En son délire, et dont la sonde
N’a jamais pu trouver le fond ;
Comme ce flot qu’un sable aride
Absorbe de sa bouche avide,
Et qui cherche à combler le vide
D’un abîme vaste et profond.

Et pourtant vous, type suprême,
Vous m’avez dit tout haut : Je t’aime !
Vous m’avez couché morne et blême
Sur un beau lit de volupté ;
Vous avez rafraîchi ma lèvre,
Encor toute chaude de fièvre,
Dans le doux vin pour qui l’orfèvre
Poétise un cachot sculpté.