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ÉSOPE

Ésope

On dit que je suis fils d’un pauvre bûcheron,
Qui, tout près d’un torrent, noir comme l’Achéron,
S’endormait, las, dans sa cabane aux vents ouverte,
Et faisait des fagots, seul, dans la forêt verte.

Orétès

Oh ! quelle erreur !

Cydias

Oh ! quelle erreur ! Mais quoi ! Tu dis cela par jeu !

Orétès

Tu dois être plutôt le fils de quelque dieu
Qui, venu parmi nous, s’éprit d’une princesse,
Et qui, dans les cieux purs, veille sur toi, sans cesse,
Esprit dont, sur toi, la sagesse ruissela.

Cydias

C’est vrai.

Orétès

C’est vrai. Crois-le.

Ésope

C’est vrai. Crois-le. Mais je suis laid !

Orétès

C’est vrai. Crois-le. Mais je suis laid ! Qui dit cela ?

Cydias

Ton visage, au contraire, est noble.

Orétès

Ton visage, au contraire, est noble. Sur ta joue
Passe et brille un rayon frémissant qui se joue.

Ésope

Bon. Mais ne suis-je pas bossu ?

Orétès

Bon. Mais ne suis-je pas bossu ? Pas plus qu’un lys.

Cydias

Pas plus que ne l’était le chasseur Adonis