Page:Banville - Ésope, 1893.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
ÉSOPE

Cydias

Elle est comme ces monts qu’un orage enveloppe
De nuit.

Orétès

De nuit. C’est égal, sois heureux.

Cydias

De nuit.C’est égal, sois heureux. Bonjour, Ésope.

(Les deux ministres sortent, en cachant à peine leurs rires ironiques. Ésope dédaigneux, ne les regarde même pas partir et se livre de nouveau à sa pensée).



Scène troisième


ÉSOPE

Mon malheur, justes Dieux, est-il assez profond ?
De ce palais en fête
Je revois au lointain les nuages qui font
Des ombres sur ma tête.

J’ai connu tout, l’exil effrayant loin du jour,
Les hontes, l’esclavage.
À présent, tu meurtris mon sein, cruel Amour,
Avec ta dent sauvage.

Cette Rhodope, orgueil du printemps souriant
Qui ravit le ciel même
Comme une blanche étoile au front de l’Orient,
Ô délire ! je l’aime !

Sur sa tête un rayon brille, mystérieux.
Blanche comme l’ivoire,
Elle soumet, avec ses yeux victorieux,
Un Roi couvert de gloire.