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ÉSOPE

Sans se préoccuper de leurs cris importuns.

Cydias

De plus, il serait bon d’en pendre quelques-uns.

Orétès

Le paysan toujours gourmande sa nourrice,
Attaqué de ce mal qu’on nomme l’avarice.
Mais rien n’excite mieux son âme de hibou
À trouver quelque vieille obole au fond d’un trou,
Que de voir, sous le vent jaloux qui se déchaîne,
Son voisin balancé dans les branches d’un chêne.

Crésus

Devons nous accabler des malheureux ?

Cydias

Devons nous accabler des malheureux ? Ô Roi,
Tout vit sous le regard de la sereine Loi.
Celle qui tient en main la Balance et l’Épée,
Ne saurait jamais être éludée ou trompée,
Car son temple est bâti sur les plus hauts sommets.

Crésus

Assez. Vous recevrez plus tard mes ordres. Mais,
Ne tourmentez pas ma colère qui sommeille.
Allez.

(Sur l’ordre de Crésus, les ministres se retirent. Aussitôt Ésope sort de la chambre où il s’était réfugié et s’avance rapidement vers le Roi).



Scène sixième


CRÉSUS, ÉSOPE
Ésope, vivement.

Allez. Certes, j’en ris devant l’aube vermeille !
Car les méchants sont plus cruels que les typhons,
Et ces ministres là sont d’excellents bouffons.