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ÉSOPE

Orétès

Que la faim les blêmit, que la fièvre les mine.
Qu’ils ont devant les yeux ce spectre, la famine.
Et qu’implorant le ciel de leurs bras ingénus,
Faute de vêtements, leurs petits vont tout nus.

Cydias

Et que la peste même est assise à leur porte.

Crésus

Et s’ils disaient pourtant la vérité ?

Cydias

Et s’ils disaient pourtant la vérité ? Qu’importe ?
Le rusé paysan doit nous payer. Comment ?
C’est son affaire. Quant à conter son tourment,
Il y tient.

Orétès

Il y tient. Nous serions suivis par les risées
Si nous nous arrêtions à ces billevesées.

Crésus

Mais alors, comment donc faut-il agir ?

Orétès

Mais alors, comment donc faut-il agir ? Il faut
Faire, nous, ce que font l’autour et le gerfaut.

Cydias

Sans toits ni murs, on vit fort bien dans l’air céleste.
Il faut aux paysans prendre ce qu’il leur reste,
Leurs vêtements, et les chasser de leurs maisons.

Orétès

C’est la seule réponse à leur tas de raisons.
Qu’on vende tout.

Crésus

Qu’on vende tout. Eh ! quoi !

Orétès

Qu’on vende tout.Eh ! quoi ! Les nippes, les guenilles,
La cruche et les fuseaux et les rouets des filles.