Page:Banville - Ésope, 1893.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
ÉSOPE

De la parure, où les ouvriers de nos villes
Excellaient, sont enfin tombés aux mains serviles.
Tout le pays ressemble à nos champs ravagés.

Cydias, hypocritement.

Oh ! le mal n’est pas si profond !

Crésus

Oh ! le mal n’est pas si profond ! Les messagers
Sont-ils de retour ?

Orétès

Sont-ils de retour ? Oui, tous.

Crésus

Sont-ils de retour ?Oui, tous. Et tous, les mains vides !

Orétès

Ô Roi, les vignerons, les laboureurs avides,
Se refusent de même à payer les impôts.

Cydias

Et l’on dirait qu’ils ont accordé leurs pipeaux.

Orétès

On n’en a pu tirer ni l’argent ni le cuivre.
Efforts vains.

Cydias

Efforts vains. Cependant l’État ne saurait vivre
Avec rien.

Orétès

Avec rien. Eux, ils sont des menteurs fort subtils.
Se dérober est leur talent.

Crésus

Se dérober est leur talent. Que disent-ils
Pour ne pas acquitter leur dû ?

Orétès

Pour ne pas acquitter leur dû ? Rien. Que la guerre
Les a laissés pour morts, vu qu’il ne s’en faut guère.

Cydias

Qu’ils sont accablés tous d’ennuis et de chagrin,
N’ayant pas de charrue et n’ayant pas de grain.