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ÉSOPE

Des chocs de cavaliers épars, couverts d’armures,
S’écroulent dans le ciel, comme des moissons mûres ;
La Terre avec horreur, tressaille dans son flanc
Et le Pactole enfin roule des flots de sang.
On a vu s’arrêter au loin, sur les terrasses
Des villes, des vautours et des aigles voraces.
Au-dessus de nos fronts leurs vols démesurés
Planent, et ces oiseaux, de carnage altérés
Apparaissent dans l’air avec un grand bruit d’ailes.
Que m’annonce un tel signe ?

Rhodope

Que m’annonce un tel signe ? Arme tes citadelles !

Ésope

Fais équiper tes chars.

Rhodope

Fais équiper tes chars. Emplis les arsenaux.

Ésope

Pratique des chemins et creuse des canaux.

Rhodope

Que le rouge brasier dans les forges s’allume
Et que les lourds marteaux épouvantent l’enclume !

Ésope

Instruis pour les combats futurs les citoyens, —

Rhodope

Les généraux, les chefs, les princes Lydiens !

Ésope

Songe à tout.

Rhodope

Songe à tout. Que le souffle heureux de ton génie
Embrase la Lydie et la Paphlagonie !

Ésope

Que toujours, sur la plaine en feu, tes cavaliers
S’exercent, accourus tout à coup par milliers !

Rhodope

Qu’ils sachent, si longtemps que la bataille dure,
Boire de l’eau saumâtre et coucher sur la dure,