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Il se leva, se promena.

— Oui, je lutterai, je reprendrai des forces, comme Antée, en embrassant ma mère ! et j’étoufferai dans mes mains ces serpents qui m’enlacent, qui me donnent des baisers de serpent, qui me bavent sur les joues, qui veulent me sucer mon sang, mon honneur ! Oh ! la misère !… Oh ! qu’ils sont grands ceux qui savent s’y tenir debout, le front haut !… J’aurais dû me laisser mourir de faim sur mon grabat, il y a trois ans et demi !… Le cercueil est un lit bien doux en comparaison de la vie que je mène !… Voici dix-huit mois que je mange du bourgeois !… et, au moment d’atteindre à une vie honnête, heureuse, d’avoir un magnifique avenir, au moment où j’avance pour m’attabler au festin social, le bourreau me frappe sur l’épaule… Oui, le monstre ! il m’a frappé sur

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l’épaule, et m’a dit : « Paie la dîme du diable ou meurs !… » Et je ne les roulerais pas !… Et je ne leur enfoncerais pas mon bras dans la gueule jusqu’à leurs entrailles !… Oh ! si, que je le ferai !… Tenez, Flavie, ai-je les yeux secs ?… Ah ! maintenant je ris, je sens ma force et je retrouve ma puissance… Oh ! dites-moi que vous m’aimez… redites-le ! C’est en ce moment,