Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 2, 1855.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

les rues, que le promeneur n’y fait guère plus d’attention qu’aux trois mille tableaux d’une exposition. Mais là, dans cette exposition, la Cardinal avait toute la valeur d’un chef-d’œuvre isolé, car elle était le type complet de son genre. Elle était montée sur des sabots crottés, mais ses pieds, soigneusement enveloppés de chaussons, ne manquaient pas de longs gros bas drapés. Sa robe d’indienne, enrichie d’un falbalas de boue, portait l’empreinte de la bretelle qui retient l’éventaire, en coupant par derrière la taille un peu bas. Son principal vêtement était un châle dit cachemire en poil de lapin, dont les deux bouts se nouaient au-dessus de sa tournure, car il faut bien employer le mot du beau monde pour exprimer l’effet que produisait la pression de la bretelle transversale sur ses jupes, qui se relevaient en forme de chou ; une rouennerie grossière, qui servait de fichu, laissait voir un cou rouge et rayé comme le bassin de la Villette quand on y a patiné, sa coiffure était un foulard de soie jaune assez tortillé d’une façon pittoresque. Courte et grosse, d’un teint riche en couleur,