route, s’ils voyaient venir leur oncle, ils se regardaient d’un air piteux.
— Il a sans doute gardé pour lui quelque élixir de longue vie, disait l’un.
— Il a fait un pacte avec le diable, répondait l’autre.
— Il devrait nous avantager nous deux, car ce gros Minoret n’a besoin de rien.
— Ah ! Minoret a un fils qui lui mangera bien de l’argent !
— À quoi estimez-vous la fortune du docteur ? disait le greffier au financier.
— Au bout de douze ans, douze mille francs économisés chaque année donnent cent quarante-quatre mille francs, et les intérêts composés produisent au moins cent mille francs ; mais, comme il a dû, conseillé par son notaire à Paris, faire quelques bonnes affaires, et que jusqu’en 1822 il a dû placer à huit et à sept et demi sur l’État, le bonhomme remue maintenant environ quatre cent mille francs, sans compter ses quatorze mille livres de rente en cinq pour cent, à cent seize aujourd’hui. S’il mourait demain sans avantager Ursule, il nous laisserait donc sept à huit cent mille francs, outre sa maison et son mobilier.
— Eh ! bien, cent mille à Minoret, cent mille à la petite, et à chacun de nous trois cents : voilà ce qui serait juste.
— Ah ! cela nous chausserait proprement.
— S’il faisait cela, s’écriait Massin, je vendrais mon greffe, j’achèterais une belle propriété, je tâcherais de devenir juge à Fontainebleau, et je serais député.
— Moi, j’achèterais une charge d’agent de change, disait le percepteur.
— Malheureusement cette petite fille qu’il a sous le bras et le curé l’ont si bien cerné que nous ne pouvons rien sur lui.
— Après tout, nous sommes toujours bien certains qu’il ne laissera rien à l’Église.
Chacun peut maintenant concevoir en quelles transes étaient les héritiers en voyant leur oncle allant à la messe. On a toujours assez d’esprit pour concevoir une lésion d’intérêts. L’intérêt constitue l’esprit du paysan aussi bien que celui du diplomate, et sur ce terrain le plus niais en apparence serait peut-être le plus fort. Aussi ce terrible raisonnement : « Si la petite Ursule a le pouvoir de jeter son protecteur dans le giron de l’Église, elle aura bien celui de se