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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

même jour, et notées par le bonhomme en cas de perte. Je lui avais conseillé de mettre la fortune d’Ursule en inscriptions au porteur, et il a dû employer ses fonds, ceux qu’il destinait à Ursule et ceux qui appartenaient à sa pupille le même jour. Je vais chez Dionis consulter l’inventaire ; et si le numéro de l’inscription qu’il a laissée en son nom est 23,533, lettre M, nous serons sûrs qu’il a placé, par le ministère du même agent de change, le même jour : primo, ses fonds en une seule inscription ; secundo, ses économies en trois inscriptions au porteur, numérotées sans lettre de série ; tertio, les fonds de sa pupille : le livre des transferts en offrira des preuves irrécusables. Ah ! Minoret le sournois, je vous pince. Motus, mes enfants !

Le juge de paix laissa le curé, la Bougival et Ursule en proie à une profonde admiration des voies par lesquelles Dieu conduisait l’innocence à son triomphe.

— Le doigt de Dieu est dans ceci, s’écria l’abbé Chaperon.

— Lui fera-t-on du mal ? dit Ursule.

— Ah ! mademoiselle, s’écria la Bougival, je donnerais une corde pour le pendre.

Le juge de paix était déjà chez Goupil, successeur désigné de Dionis, et entrait dans l’Étude d’un air assez indifférent.

— J’ai, dit-il à Goupil, un petit renseignement à prendre sur la succession Minoret.

— Qu’est-ce ? lui répondit Goupil.

— Le bonhomme a-t-il laissé une ou plusieurs inscriptions de rentes trois pour cent ?

— Il a laissé quinze mille livres de rente trois pour cent, dit Goupil, en une seule inscription, je l’ai décrite moi-même.

— Consultez donc l’inventaire, dit le juge.

Goupil prit un carton, y fouilla, ramena la minute, chercha, trouva et lut : Item, une inscription… Tenez, lisez ?… sous le numéro 23,533, lettre M.

— Faites-moi le plaisir de me délivrer un extrait de cet article de l’inventaire d’ici à une heure, je l’attends.

— A quoi cela peut-il vous servir ? demanda Goupil.

— Voulez-vous être notaire ? répondit le juge de paix en regardant avec sévérité le successeur désigné de Dionis.

— Je le crois bien ! s’écria Goupil, j’ai avalé assez de couleuvres pour arriver à me faire appeler Maître. Je vous prie de croire, mon-