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Maximum ou au Monopole. Selon moi, rien n’est plus conforme aux principes sur la liberté du commerce que les Sociétés par actions ! Y toucher, c’est vouloir répondre du capital et des bénéfices ce qui est stupide. En toute affaire, les bénéfices sont en proportion avec les risques ! Qu’importe à l’État la manière dont s’obtient le mouvement rotatoire de l’argent, pourvu qu’il soit dans une activité perpétuelle ! Qu’importe qui est riche, qui est pauvre, s’il y a toujours la même quantité de riches imposables ? D’ailleurs, voilà vingt ans que les Sociétés par actions, les commandites, primes sous toutes les formes, sont en usage dans le pays le plus commercial du monde, en Angleterre, où tout se conteste, où les Chambres pondent mille ou douze cents lois par session, et où jamais un membre du Parlement ne s’est levé pour parler contre la méthode…

— Curative des coffres pleins, et par les végétaux ! dit Bixiou, les carottes !

— Voyons ? dit Couture enflammé. Vous avez dix mille francs, vous prenez dix actions de chacune mille dans dix entreprises différentes. Vous êtes volé neuf fois… (Cela n’est pas ! le public est plus fort que qui que ce soit ! mais je le suppose) une seule affaire réussit ! (par hasard ! — D’accord ! — On ne l’a pas fait exprès ! — Allez ! blaguez ?) Eh ! bien, le ponte assez sage pour diviser ainsi ses masses, rencontre un superbe placement, comme l’ont trouvé ceux qui ont pris les actions des mines de Wortschin. Messieurs, avouons entre nous que les gens qui crient sont des hypocrites au désespoir de n’avoir ni l’idée d’une affaire, ni la puissance de la proclamer, ni l’adresse de l’exploiter. La preuve ne se fera pas attendre. Avant peu vous verrez l’Aristocratie, les gens de cour, les Ministériels descendant en colonnes serrées dans la Spéculation, et avançant des mains plus crochues et trouvant des idées plus tortueuses que les nôtres, sans avoir notre supériorité. Quelle tête il faut pour fonder une affaire à une époque où l’avidité de l’actionnaire est égale à celle de l’inventeur ? Quel grand magnétiseur doit être l’homme qui crée un Claparon, qui trouve des expédients nouveaux ! Savez-vous la morale de ceci ? Notre temps vaut mieux que nous ! nous vivons à une époque d’avidité où l’on ne s’inquiète pas de la valeur de la chose, si l’on peut y gagner en la repassant au voisin : on la repasse au voisin parce que l’avidité de l’Actionnaire qui croit à un gain, est égale à celle du Fondateur qui le lui propose !