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MONIPODIO, après avoir tourné autour de Quinola.

On m’a changé mon ami.

QUINOLA.

Monipodio, souviens-toi que des hommes comme nous ne doivent s’étonner de rien. C’est petites gens. Le roi nous a donné le vaisseau, mais sans un doublon pour l’aller chercher ; nous arrivons donc ici avec les deux fidèles compagnons du talent : la faim et la soif. Un homme pauvre, qui trouve une bonne idée, m’a toujours fait l’effet d’un morceau de pain dans un vivier : chaque poisson vient lui donner un coup de dent. Nous pourrons arriver à la gloire, nus et mourants.

MONIPODIO.

Tu es dans le vrai.

QUINOLA.

À Valladolid, un matin, mon maître, las du combat, a failli partager avec un savant qui ne savait rien… je vous l’ai mis à la porte avec une proposition en bois vert que je lui ai démontrée, et vivement.

MONIPODIO.

Mais, comment pourrons-nous gagner honnêtement une fortune ?

QUINOLA.

Mon maître est amoureux. L’amour fait faire autant de sottises que de grandes choses ; Fontanarès a fait les grandes choses, il pourrait bien faire les sottises. Il s’agit, nous deux, de protéger notre protecteur. D’abord, mon maître est un savant qui ne sait pas compter…

MONIPODIO.

Oh ! prenant un maître, tu l’as dû choisir…

QUINOLA.

Le dévouement, l’adresse valent mieux pour lui que l’argent et la faveur ; car pour lui la faveur et l’argent seront des trébuchets. Je le connais ; il nous donnera ou nous laissera prendre de quoi finir nos jours en honnêtes gens.

MONIPODIO.

Eh ! voilà mon rêve.

QUINOLA.

Déployons donc, pour une grande entreprise, nos talents jusqu’ici fourvoyés… Nous aurions bien du malheur si le diable s’en fâchait.