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tion de la Belle-Étoile que par des messagers. Tous les habitants se connaissent, ils connaissent même les voyageurs du commerce qui viennent pour les affaires des maisons parisiennes ; ainsi, comme toutes les petites villes de province qui sont dans une situation analogue, un étranger doit y mettre en branle toutes les langues et agiter toutes les imaginations, quand il y reste plus de deux jours, sans qu’on sache ni son nom, ni ce qu’il y vient faire.

Or, comme tout Arcis était encore tranquille, trois jours avant la matinée où, par la volonté du créateur de tant d’histoires, celle-ci commence, tout le monde avait vu venir, par la route de la Belle-Étoile, un étranger conduisant un joli tilbury attelé d’un cheval de prix, et accompagné d’un petit domestique gros comme le poing, monté sur un cheval de selle. Le messager en relation avec les diligences de Troyes avait apporté de la Belle-Étoile trois malles venues de Paris, sans adresse et appartenant à cet inconnu, qui se logea au Mulet.

Chacun, dans Arcis, imagina le soir que ce personnage avait l’intention d’acheter la terre d’Arcis, et l’on en parla dans beaucoup de ménages comme du futur propriétaire du château. Le tilbury, le voyageur, ses chevaux, son domestique, tout paraissait appartenir à un homme tombé des plus hautes sphères sociales.

L’inconnu, sans doute fatigué, ne se montra pas ; peut-être passa-t-il une partie de son temps à s’installer dans les chambres qu’il choisit, en annonçant devoir demeurer un certain temps. Il voulut voir la place que ses chevaux devaient occuper dans l’écurie, et se montra très exigeant ; il voulut qu’on les séparât de ceux de l’aubergiste, et de ceux qui pourraient venir.

D’après tant d’exigences, le maître de l’hôtel du Mulet considéra son hôte comme un Anglais.

Dès le soir du premier jour, quelques tentatives furent faites par des curieux, au Mulet ; mais on n’obtint aucune lumière du petit groom, qui refusa de s’expliquer sur son maître, non pas par des défaites ou par le silence, mais par