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CHAPITRE XI

LA COMTESSE DE L’ESTORADE À MADAME OCTAVE DE CAMPS


Paris, mai 1839.

Chère madame, monsieur Dorlange vint hier soir pour nous faire ses adieux. Il part aujourd’hui pour Arcis-sur-Aube où il va faire l’inauguration de sa statue. C’est là aussi que les journaux de l’opposition le portent candidat. Monsieur de l’Estorade prétend que la localité ne pouvait pas être plus mal choisie et qu’elle ne laisse à sa nomination aucune chance : mais ce n’est pas là la question.

Monsieur Dorlange arriva chez moi de bonne heure ; j’étais seule ; monsieur de l’Estorade dînait chez le ministre de l’intérieur, et les enfants qui, dans la journée, avaient fait une grande promenade, avaient eux-mêmes demandé à devancer l’heure habituelle de leur coucher. Le tête-à-tête interrompu par madame de la Bastie se trouvait donc tout naturellement renoué, et j’allais demander à monsieur Dorlange la continuation de l’histoire dont il ne m’a encore dit que les derniers mots, quand survint notre vieux Lucas m’apportant une lettre.

Elle était de mon Armand ; il me faisait savoir que, depuis le matin, il était très-souffrant à l’infirmerie.

— Faites atteler, dis-je à Lucas, avec l’émoi que vous supposez.

— Mais, madame, me répond Lucas, monsieur a demandé la voiture pour huit heures et demie, et Tony est déjà parti.

— Alors avez-moi une citadine.

— Je ne sais pas si j’en trouverai, me dit notre vieux serviteur, qui est l’homme aux difficultés ; depuis un moment il tombe de l’eau.

Sans tenir aucun compte de cette remarque et sans plus penser à monsieur Dorlange, que je laisse assez empêché de se