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en proie & des mouvements spasmodiques, j’ai, à ce qu’il paraît, pendant plusieurs jours, assez vivement inquiété le médecin, qui un moment aurait craint pour ma raison.

Grâce à la force de mon tempérament, me voilà pourtant à peu près remise, et, de cette cruelle commotion, ne resterait aucune trace, si, par une fatalité singulière, elle n’était venue se relier à une autre préoccupation désagréable, qui, depuis quelque temps, avait jugé convenable de s’installer dans ma vie.

Avant même la nouvelle assurance que vous voulez bien me donner de vos dispositions pour moi, si bienveillantes déjà, j’avais pensé à invoquer le secours de votre amitié et de vos conseils ; aujourd’hui, quand vous voulez bien m’écrire que vous seriez heureuse et fière si, à quelque degré que ce fût, il vous était donné de me rappeler la pauvre Louise de Chaulieu, cette précieuse et incomparable amie dont la mort m’a dépossédée, comment pourrais-je hésiter encore ?

Je vous prends au mot, chère madame, et cette exquise habileté qui autrefois vous aidait à dérouter les sots commentaires quand l’impossibilité où vous étiez de déclarer votre mariage avec monsieur de Camps, vous laissait livrée à des curiosités si insolentes et si perfides (voir Madame Firmiani) ; ce tact singulier qu’à cette époque, on vous vit mettre à vous démêler d’une situation où tout était embarras et péril ; en un mot, cet art merveilleux qui vous permit, en gardant votre secret, de garder toute votre dignité de femme, je viens résolûment vous demander de les mettre au service de ce souci dont je vous parlais il n’y a qu’un moment.

Malheureusement, pour avoir la consultation du médecin, il faut dire la maladie, et c’est ici qu’avec son génie industriel monsieur de Camps me paraît un abominable homme.

Grâce à ces vilaines forges, dont il lui a pris l’idée de faire l’acquisition, vous voilà à peu près morte à Paris et au monde. Jadis, quand on vous avait là, sous la main, en un quart d’heure de causerie, sans embarras, sans préparation, on vous eût tout conté ; aujourd’hui, il s’agit de prendre sur