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moi, dit le candidat en regardant la jeune fille d’un air suppliant.

— Vous avez eu, monsieur, un ton tranchant en lançant votre arrêt, qui prouve que vous serez très-despote, et vous avez raison ; si vous voulez être ministre, il faut beaucoup trancher…

En ce moment, madame Marion prit madame Beauvisage par le bras et l’emmena sur un canapé. Cécile, se voyant seule, rejoignit le cercle où elle était assise, afin de ne pas écouter la réponse que Simon pouvait faire, et le candidat resta très-sot devant la table où il s’occupa machinalement à jouer avec les fiches.

— Il a des fiches de consolation, dit Olivier Vinet qui suivait cette petite scène.

Ce mot, quoique dit à voix basse, fut entendu de Cécile, qui ne put s’empêcher d’en rire.

— Ma chère amie, disait tout bas madame Marion à madame Beauvisage, vous voyez que rien maintenant ne peut empêcher l’élection de mon neveu.

— J’en suis enchantée pour vous et pour la chambre des députés, dit Séverine.

— Mon neveu, ma chère, ira très-loin… Voici pourquoi : sa fortune à lui, celle que lui laissera son père et la mienne, feront environ trente mille francs de rentes. Quand on est député, que l’on a cette fortune, on peut prétendre à tout.

— Madame, il aura notre admiration, et nos vœux le suivront dans sa carrière ; mais…

— Je ne vous demande pas de réponse ! dit vivement madame Marion en interrompant son amie. Je vous prie seulement de réfléchir à cette proposition. Nos enfants se conviennent-ils ? pouvons-nous les marier ? nous habiterons Paris pendant tout le temps des sessions ; et qui sait si le député d’Arcis n’y sera pas fixé par une belle place dans la magistrature ?… Voyez le chemin qu’a fait monsieur Vinet, de Provins. On blâmait mademoiselle de Chargebœuf de l’avoir épousé ; la voilà bientôt femme d’un garde des sceaux, et monsieur Vinet sera pair de France quand il le voudra.

— Madame, je ne suis pas maîtresse de marier ma fille à