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chenapan, avait une assez belle figure, figure militaire, de grands traits, une expression de calme ; mais j’ai toujours cru lire au fond de ses yeux verts de mer et tachetés de points orangés quelques-unes de ces aventures où il y a de la fange et du sang. Ses mains ressemblaient à des éclanches. Il était d’une taille médiocre, mais large des épaules et de la poitrine, un vrai corsaire. Par-dessus tout cela il se disait un des vainqueurs de la Bastille. Cet homme rencontra une jeune fille assez folle pour s’amouracher de lui. C’était une grisette, mais un amour de feu. Elle avait nom Clarisse, et travaillait chez une fleuriste. Elle avait tout joli, la taille, les pieds, les cheveux, les mains, les formes, les manières. Son teint était blanc, sa peau satinée. Il n’y a vraiment qu’à Paris que se trouvent ces espèces de produits et ces sortes de passions. Jamais je n’ai vu de contraste aussi tranché que l’opposition présentée par ce singulier couple. Clarisse était toujours mignonne, propre et bien mise. Par amour-propre, le capitaine lui donnait tout ce qu’elle lui demandait, et la pauvre enfant lui demandait peu de choses : c’étaient la partie de spectacle, quelques robes, des bijoux. Jamais elle ne voulut être épousée, et s’il la logea, s’il meubla son