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»Mais essayer de bannir l’image de Marie était inutile ; je ne pouvais déraciner ainsi mon premier et mon seul amour. Tout rappelait à mon esprit sa beauté, sa simplicité, sa piété, surtout cette délicatesse du sens moral qui s’accordait si peu avec la grossière erreur et l’entraînement sans excuse que l’on attribuait à la maîtresse de sir Ormond. Cependant la première rage était passée. À ma fureur succéda une douleur plus calme, et, si je puis me servir de cette expression, plus exquise. Oh ! l’angoisse de ces journées ! Oh ! la douleur de perdre une telle consolation, un tel soutien, un tel amour, tout l’espoir de ma vie !

»Deux jours après je m’embarquai pour l’Angleterre, et aussitôt après mon arrivée à Falmouth, je partis pour Bath. C’était là qu’étaient restées les traces du crime, et que m’attendaient les seuls renseignemens que je pusse espérer. Me voilà en face de l’auberge que sir Ormond avait désignée ; j’entre, tout mon corps frémit de crainte. Une femme de moyen âge et assez jolie se présente à moi, c’est la maîtresse de la maison. On me sert du thé. Sous prétexte que j’ai quitté depuis long-temps l’Angleterre et que je désire m’instruire de quelques particularités relatives à l’état de mon pays,