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mais transformée en image palpable, l’inquisition devenue type. Il laissa sa ferme, quitta ses domaines, passa la mer et s’enfonça dans les forêts de l’Amérique septentrionale, où beaucoup de gens de son pays ont été fonder des habitations et bâtir leur hutte paisible. Les savanes de l’Ohio lui offraient un asile assuré à ce qu’il croyait ; il préférait sa pauvreté, la vie du colon, le serpent caché dans les buissons épais, une nourriture sauvage, grossière et incertaine, à son toit écossais, sous lequel l’œil jaloux et toujours ouvert reluisait pour son tourment. Après avoir passé un an dans cette solitude, il finit par bénir son sort : au moins il trouvait le repos au sein de cette nature féconde. Il n’entretenait aucune correspondance avec la Grande-Bretagne, de peur d’avoir des nouvelles de sa femme ; quelquefois dans ses rêves il voyait encore cet œil ouvert, cet œil sans paupières, et se réveillait en sursaut ; mais c’était tout ce qu’il avait à souffrir ; il s’assurait bien que la vigilante et redoutable prunelle n’était plus auprès de lui, ne le pénétrait, ne le dévorait pas de ses clartés insupportables, et il se rendormait heureux.