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sent qu’à la faveur de l’assentiment tacite de la communauté. L’obéissance à une norme linguistique (parler et écrire correctement) s’étend à tous les membres du groupe ; elle est consacrée par l’action de l’école, le prestige de la littérature et des Académies.

Tous les idiomes des peuples civilisés ne sont pas, il est vrai, au même point, dans cette marche irrésistible vers l’unification : il est intéressant de comparer à cet égard le français et l’allemand.

En pays de langue française, aucun dialecte n’est plus assez vivace pour compromettre l’existence d’une langue commune ; ils ne sont presque plus que des patois, dont on recueille soigneusement les débris avant que leur disparition ne soit un fait accompli. Le résultat est que le français met en état de se comprendre des individus habitant les extrémités opposées du territoire linguistique. L’unification interne est plus profonde encore : non seulement les parlers locaux se font toujours plus rares, mais on fait la guerre aux provincialismes, les prononciations locales sont tournées en ridicule. Le vocabulaire et la syntaxe concourent, par un lent travail de nivellement (qui ne va pas sans pertes sensibles pour l’expression), à la notation exacte d’idées, d’opi-