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important : au moment de sa création, habeo a eu sans doute plusieurs concurrents ; car c’est le propre des créations expressives d’être diverses (voyez plus haut ce qui a été dit du mot tête) ; il a donc fallu qu’il élimine peu à peu les autres formes (peut-être debeo, volo, convenit, etc.). Alors seulement il a pu être identifié avec la notion intellectuelle du futur ; il a graduellement fait corps avec l’infinitif précédent et a été compris comme un signe pur et simple de ce temps. Agglutiné au radical, il conserve son autonomie psychologique et grammaticale, et se prête à toutes les combinaisons possibles du même type. Tel est le propre des signes grammaticaux purs ; car si l’agglutination est complète pour le sens, on sait que le résultat est un mot sans vertu créatrice (comparez : pleurer de rage, où de a une valeur grammaticale, avec : tout de suite, où de est fondu dans le complexus, mot pur et simple dont rien ne peut être détaché et reproduit analogiquement).

La transformation de habeo en outil grammatical est consommée dans la forme entièrement suffixale du futur français en -ai (j’entrerai) ; c’est là qu’il faut chercher le point d’aboutissement de l’effort intellectuel et analytique, nullement dans la création intrare habeo. (À