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(homo, homme) importe fort peu pour la clarté. Les futurs lat. amabo et français j’aimerai sont tout aussi analytiques que l’anglais I shall love ; dans tous, les éléments de l’idée sont également séparables ; c’est aussi bien le cas pour lat. -bo que pour franç. -rai et angl. I shall ; seule la superstition du mot isolé par l’écriture conventionnelle peut fausser la vue de cette identité (cf. encore fr. je chante et lat. canto, où fr. je : fr. chantelat. -o : lat. cant-).

Reprenons maintenant la question du futur pour montrer que la répartition d’une idée en mots distincts peut provenir de tout autre chose que la tendance à l’analyse. Soit le futur latin intrabo, où la notion de futur est marquée d’une façon analytique et intellectuelle bo (intra + bo). Le latin vulgaire remplace cette forme par intrare habeo. C’est ce genre de formes que l’on a l’habitude d’appeler analytique : à tort ; car, lors de sa création, le type de futur en habeo a voulu rompre avec la forme purement intellectuelle et exprimer un élément subjectif impliqué dans l’idée de futur (devoir, obligation, nécessité). À ce moment habeo n’a pas eu la valeur d’un pur signe indiquant l’avenir ; c’était un mot distinct, significatif, à sens concret (intrare habeo = à peu près « il me faut entrer »). Autre point