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vapeurs formées par les exhalaisons des influences qui s’élèvent dans la région des maladies… ont une certaine malignité causée par l’âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme… ossabundus, néquies, etc. » C’est ainsi qu’un grand nombre de mots ont passé dans la langue avec des nuances comiques ou péjoratives (p. ex. énergumène, élucubration, pérorer, sophistiquer, etc.).

Quand le parler ordinaire ne peut se passer de mots rébarbatifs appliqués à des choses devenues usuelles, il les taille à sa mesure, les tronque, les décapite ; un mot trop long ne saurait être d’un usage régulier ; aussi ces mutilations, quoi qu’en disent les puristes, paraissent aussitôt naturelles : automobile, vélocipède, chemin de fer métropolitain deviennent auto, vélo, métro ; on dit la R. P. pour la représentation proportionnelle, et l’on est erpéiste ou anti-erpéiste.

Le plus souvent les mots savants, ainsi que les choses auxquelles ils correspondent passent dans l’usage grâce aux impressions qui s’en dégagent, plus que par leur sens exact ; en désignant d’une façon imprévue des idées banales, ils servent les besoins de l’expression. Ainsi les adjectifs infini, illimité, incommensurable, colossal, mo-