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quand il s’agit de parler de la tête familièrement, comiquement, injurieusement. Le peuple recourt à des mots tels que bille, boule, caboche, citron, citrouille, ciboulot ; tous guettent la succession de tête ; lequel y parviendra ? On ne peut encore le dire ; mais quand ce sera fait, le même petit jeu recommencera. Une impression très nette ressort de l’histoire de la plupart des mots usuels : ils n’ont pas été créés avant tout pour désigner les choses simplement et clairement.

Donner aux objets des noms exacts et non équivoques, c’est le propre de la science, de la technique, non du langage courant ; aussi, rien de plus curieux que les transformations subies par les termes scientifiques quand ils passent dans l’usage journalier pour exprimer des choses de la vie réelle.

D’abord la langue commune cherche à les digérer ; si elle n’y arrive pas, elle les repousse, ou bien elle les garde pour s’en amuser et les tourner en ridicule. « Votre fille, dit Sganarelle, est muette parce qu’elle a perdu l’usage de la parole, et la cause en est l’empêchement de l’action de la langue… causé par de certaines humeurs qu’entre nous autres savants nous appelons humeurs peccantes, d’autant que les