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seraient un avant-goût de ce que sera une langue parfaite ; mais aucun idiome ne s’achemine vers ce type linguistique. Quiconque se rend compte des nécessités imposées au langage par les sentiments et l’action comprend combien un pareil idéal est chimérique. Il n’est pourtant pas inutile d’entrer dans quelques détails à ce sujet.

La première condition que la logique pose au langage, c’est d’être clair et d’éviter l’ambiguïté ; pour cela, il faut, autant que possible, que chaque signe n’ait qu’une valeur et que chaque valeur ne soit représentée que par un signe ; qu’un mot, par exemple, n’ait qu’un sens, et que chaque idée n’ait qu’un mot pour la représenter ; que les préfixes et les suffixes aient chacun une fonction bien vivante et une seule ; qu’il en soit de même des signes grammaticaux, désinences, pronoms, particules, etc. C’est le principe d’univocité. Il ne s’agit pas là positivement d’une chimère ; les langues internationales sont basées là-dessus : preuve indirecte que les langues ordinaires ne s’en rapprochent pas assez. Une langue satisferait aux besoins intellectuels de la pensée si elle tendait au moins habituellement dans cette direction ; mais c’est l’exception plutôt que la règle. Comment en serait-il autrement ? Le langage est une cons-