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rationnel ; en regard des formes si nettes : moi je, toi tu, lui il, eux ils chantent, la forme nous nous chantons est peu claire et peu harmonieuse ; nous on satisfait à la fois l’esprit et l’oreille.

Aussi c’est la langue de demain qui se prépare dans une foule d’incorrections ; plusieurs ont pris déjà une telle extension, que l’on peut presque escompter leur triomphe définitif ; qui sait s’il ne sera pas correct un jour de dire : J’y ai vu pour J’ai vu cela ? Peut-être on supplantera-t-il tout à fait nous. Quoi qu’il en soit, dresser la liste de ces formes et les décrire, ce serait faire une besogne des plus utiles pour les linguistes à venir : si parmi elles, les unes l’emportent, les autres restent sur le carreau, cela ne se fera pas sans raison ; que de renseignements précieux à tirer plus tard de ces faits, quand on pourra comparer, apprécier les résultats de cette lutte entre le passé et le présent !

Je cite au hasard quelques exemples montrant la signification des expressions incorrectes : liaisons incorrectes qui prouvent que des groupes s’agglutinent en unités lexicologiques (des pot⁀à eau, des souliers fait⁀exprès) ; emploi généralisé du relatif que, montrant la disparition graduelle de lequel et dont (des choses qu’on a