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pensée (par ex. le timbre diffèrent du son e dans aimons et aimez) serait écarté. Car il y a une prononciation expressive et symbolique ; elle est trop peu étudiée. Pour amorcer cette étude, on rechercherait la valeur expressive de certains sons et de leurs combinaisons ; on se demanderait par exemple pourquoi tant de mots pittoresques offrent en même temps des alliances de sons frappantes ou curieuse (goguenard, gouailleur, cocasse, etc.). Les patois et les parlers populaires sont à cet égard une mine de renseignements (cf. argot : bataca, tocasson, birbasse, mistouflard, claquepatin, faridonneau, etc.). On s’attacherait enfin aux modifications subies par la prononciation et l’accent sous l’influence de l’émotion ou dans une intention expressive (par exemple l’allongement des consonnes : forrrmidable, des voyelles : la fooorme, l’administraaation, la vocalisation des consonnes : la plllainte du vent, le déplacement de l’accent de mot : colossal, épouvantable, et de l’accent de phrase : un grand boulevard [descriptif], mais les grands boulevards [à Paris]).

Ajouterai-je qu’on devrait étudier systématiquement les incorrections ? Elles ont leur raison d’être, et répondent tantôt à des nécessités, tantôt — et c’est cela qui nous importe — aux exi-