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dans le passé, elle est naturellement archaïsante. Elle ne peut donc se confondre avec la langue usuelle ; quand celle-ci adopte quelque tour de la langue littéraire, c’est pour accentuer le contraste qui l’en sépare, et produire par là quelque effet plaisant ou ironique (un aveu dépouillé d’artifice, l’enfance de l’art). La langue littéraire a surtout une valeur sociale ; c’est un symbole de distinction, de bonne tenue intellectuelle, d’éducation supérieure ; la linguistique ne peut l’envisager autrement que comme l’une de ces langues spéciales dont il sera question dans la seconde partie de ce travail. À ce titre, elle vient se placer aux côtés de la langue administrative, de la langue scientifique, de la langue des sports, etc.

Mais, encore une fois, nous ne parlons pas d’analogies entre la langue parlée et la langue littéraire : elles n’existent pas ; c’est entre les créations du style d’un écrivain et les créations du langage spontané que nous croyons reconnaître certaines affinités secrètes. Sans doute, dans le langage, il n’y a jamais de création absolue, ex nihilo, et un examen un peu attentif fait toujours trouver dans la langue existante les modèles qui ont servi pour les formes nouvelles. Mais c’est précisément cela qui est intéressant ;