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but. En d’autres termes : le langage naturel, on l’a vu, regorge d’éléments affectifs ; mais nulle part on ne constate une intention esthétique et littéraire dans l’emploi de ces expressions. Un gamin des rues emploie des mots pittoresques et façonne ses phrases d’une manière imprévue et piquante ; il fait du style sans le savoir. Mais il en est des effets expressifs du langage spontané comme de sa logique naturelle ; ce sont des moyens, — et le plus souvent inconsciemment employés, — jamais des buts en soi ; tout se ramène pour lui à la vie et à ses nécessités. Il faut donc retourner les termes du problème et se demander comment la langue littéraire est sortie du langage spontané ; on verra que cette dérivation s’est faite par la transformation du moyen en but.

C’est une question épineuse que celle des affinités existant entre la langue de tout le monde et le style d’un écrivain. Quelle est l’essence des procédés littéraires ? L’expression littéraire d’un grand écrivain est-elle séparée de son langage ordinaire par un fossé infranchissable ? Y a-t-il deux mentalités en lui, une mentalité « parlée » et une mentalité « écrite » ?

Quand on cherche l’origine d’un style, on s’attache ordinairement aux influences littéraires