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pronoms sujets je, tu, il, etc., de caractériser les personnes verbales ; autrefois, ces pronoms étaient superflus ; ils ne servaient qu’à accentuer expressivement l’idée de personne (comme le latin le faisait par les formes ego canto, tu cantas, etc.) ; dès lors, ils quittent cette fonction accessoire pour en prendre une autre, régulière ; ils remplacent les désinences personnelles et deviennent peu à peu partie intégrante de la forme verbale (je chante, tu chantes, au lieu de chante, chantes, devenus inintelligibles). Mais alors, comment exprimer la différence entre pronom ordinaire et pronom accentué (cf. canto et ego canto) ? Par les pronoms moi, toi, lui, etc. ; ils sont devenus disponibles depuis que la langue n’a plus qu’un cas au lieu de deux pour les formes nominales et pronominales : on leur confie le rôle de pronoms-sujets accentués, et l’on crée les types : moi je chante, toi tu chantes, etc. ; en outre, des tournures syntaxiques se chargent de marquer des nuances analogues, par exemple : c’est moi qui chante.

On voit par cet exemple, dont j’ai schématisé à dessein la description, qu’il s’agit d’une perpétuelle dégradation due aux changements phonétiques aveugles, et qui est toujours ou prévenue