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à l’incorporation, le signe unique du pluriel étant un z infixé dans le complexus verbal. Ces conclusions ne sont qu’approximatives, mais elles montrent que le français ressortirait de l’examen direct des faits avec une tout autre physionomie, probablement plus conforme à la réalité. En tous cas, l’infixe z donné comme marque du pluriel dans ils aiment est plus vrai que ce qu’apprennent tous les écoliers de France et de Navarre, à savoir que le signe du pluriel est la désinence -ent, que personne ne prononce

Cette action inconsciente et collective du génie linguistique apparaîtra surtout à l’étude des évolutions du langage. Une langue est sans cesse rongée et menacée de ruine par l’action des lois phonétiques, qui, livrées à elle-mêmes, opéreraient avec une régularité fatale et désagrégeraient le système grammatical. Mais l’organisme ainsi compromis est reconstitué au fur et à mesure par l’action inconsciente et commune des sujets parlants, action qui tantôt conserve ce qui est en train de disparaître, tantôt recrée ce qui est déjà disparu.

Ainsi le latin a légué au français un paradigme de présent indicatif identique pour tous les verbes de la première conjugaison :