Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cientes : nous ne pensons presque jamais aux innombrables représentations que notre esprit est obligé d’associer et de combiner pour la moindre phrase que nous prononçons ; c’est inconsciemment que nous choisissons dans la conversation les mots qui nous paraissent les plus compréhensibles et les plus expressifs ; inconsciemment que nous forgeons parfois des mots nouveaux que des analogies obscures nous font trouver ; inconscient aussi, le travail spontané de compréhension de l’interlocuteur.

2. Les opérations du langage supposent une intelligence collective, un consensus qui est la marque propre d’une communauté linguistique. La phrase que je viens de concevoir et de prononcer sans presque y faire attention va provoquer chez ceux qui m’écoutent une interprétation adéquate de ma pensée et de mon sentiment ; et plus cette pensée est inconsciente, plus elle peut compter sur une compréhension générale et profonde ; plus au contraire l’expression est analytique et consciente, plus aussi elle rencontre d’obstacles pour se faire entendre de tous et autrement que par l’intelligence analytique. Souvent une parole qui nous échappe et nous étonne nous-mêmes lorsqu’elle est envolée, pénètre plus avant dans l’esprit d’autrui qu’une phrase claire