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tincts individuels sont loin d’être subordonnés chez lui à l’instinct social, ou tout au moins de s’harmoniser avec lui ; l’équilibre est instable, et l’on peut se demander s’il sera jamais absolu.

Voilà pourquoi — quelque paradoxal que cela paraisse — l’instinct social se manifeste surtout sous forme de lutte. Lutte ne veut pas dire hostilité, haine, guerre ; ce ne sont là que les formes extrêmes ou barbares de la lutte ; la guerre pourra disparaître ; peut-on en dire autant de la lutte ? Dès que deux êtres humains entrent en contact, ils entrent en lutte, au sens psychologique du mot, parce qu’il ne peut jamais y avoir entre eux adaptation absolue, harmonie parfaite des mentalités. Ainsi la lutte, telle qu’elle est définie ici, n’est pas incompatible avec la solidarité et la sympathie ; elle suppose simplement concordance incomplète des croyances, des désirs et des volontés ; elle se rencontre jusque chez les êtres qui se cherchent dans l’amitié et dans l’amour ; elle résulte d’un conflit entre l’individualisme et l’instinct social.

Le langage reproduit ce caractère de la vie, comme tous les autres ; il montre surtout à quel point ce conflit peut prendre des formes pacifiques. La conversation la plus anodine en est