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lité, l’action ; ils n’ont pas de commune mesure avec l’autre logique, qui, cherchant l’explication de ce qui existe déjà, établit entre les choses des rapports de causalité étrangers à l’action.

Le langage reflète encore, cela va sans dire, la face active de la vie, cette aspiration, cette tension, ce besoin perpétuel de réaliser une fin. C’est la raison d’être d’un des caractères les plus importants du langage : l’expressivité, par où j’entends la tendance qui pousse à mettre le langage au service de l’action par des procédés appropriés. Comment définir l’expressivité ? D’abord en disant qu’elle est illogique par nature. Quiconque pense avec intensité et veut imposer sa pensée, quelle qu’elle soit, ne peut y parvenir qu’en faussant (le plus souvent sans penser à mal et sans même s’en douter) la réalité et la vérité. Pour être expressif, le langage doit sans cesse déformer les idées, les grossir ou les rapetisser, les retourner, les transporter dans un autre mode. Les tours les plus ordinaires de la langue parlée en témoignent. On use d’un pléonasme ridicule dans l’expression : Je l’ai vu, de mes yeux vu ! On exagère illogiquement quand on dit : Courir comme le vent, quand on affirme qu’on a acheté un tableau de maître pour un morceau de pain, ou qu’on dit d’une mar-