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sées se tendent vers l’action ; nous ne vivons pas pour penser, nous pensons pour vivre. Recevoir des impressions, les trier au crible du sens biologique, les transformer en actes, voilà à quoi se passe le plus clair de notre temps ; l’intelligence n’est que l’instrument de cette transformation, le commutateur qui transpose en vie agissante la vie que nous avons d’abord subie.

Les hommes différeront toujours entre eux ; mais ils ont tous en commun cette aspiration vers une fin qui n’est jamais et devient toujours ; c’est ce qui donne au langage naturel ce je ne sais quoi qui le distingue si nettement de l’expression intellectuelle. L’homme ne recherche pas la vérité, il n’aspire qu’à une chose : le bonheur. « Tous les hommes, dit Pascal, recherchent d’être heureux ; cela est sans exception. Quelques différents moyens qu’ils y emploient, ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la guerre et que les autres n’y vont pas est ce même désir, accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui vont se pendre. »

Vivre, c’est donc agir, c’est-à-dire obéir à une poussée vitale, qui peut d’ailleurs rester