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la subissons est une préparation à l’action. La vie est en effet une aspiration constante vers quelque chose. Vivre, ce n’est ni constater, ni savoir, c’est avant tout croire, croire à n’importe quoi ; le choix des croyances révèle seulement la personnalité propre à chacun. Tout homme a sa foi, même celui qui rejette toute foi ; ainsi croire à la science, c’est la dépasser par un élément qui lui est extérieur ; affirmer qu’il n’y a pas de Dieu, c’est une manière particulière d’avoir une religion ; douter et souffrir de son doute, c’est croire encore. Car quiconque n’aspire pas vers une fin, si obscure soit-elle, ne vit pas. Pour vivre, il faut espérer, même contre toute raison ; la vie a horreur du non-être ; elle crée sans cesse pour ne pas se détruire, par haine du néant. Il faut faire sa vie sans cesse ; vivre, c’est lutter à tout instant contre la mort ; des millions d’existences n’ont pas d’autre raison d’être ; puis, quand l’homme a triomphé de ses besoins, par la civilisation par exemple, la satisfaction des besoins engendre les désirs, rendus plus impérieux que les besoins par les habitudes qu’ils créent ; la pullulation des désirs est, avec l’accroissement de la sensibilité, la marque propre des civilisations avancées.

Voilà pourquoi, dans la vie, toutes nos pen-