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et le metteur en œuvre. Cette forme de pensée, que je crois habituelle et normale, se reflète fidèlement dans le langage naturel, et si cela est vrai, il doit être autre chose que ce que nous fait croire la logique et l’esthétique. Mais tâchons de serrer de plus près ce sens biologique qui apparaît au fond de toutes nos pensées vraiment vécues.

Notre vie, tantôt nous la subissons, tantôt nous la faisons, ou du moins nous avons l’illusion de la faire.

Nous la subissons, quand elle nous envoie des impressions que notre sens vital interprète à la lumière de l’instinct de conservation. Il est vrai que nous ne sommes pas entièrement passifs à l’égard des excitations externes, nous ne nous bornons pas à les enregistrer ; notre sens biologique les trie, selon la valeur qu’elles représentent pour nous ou pour d’autres individus dont la vie est liée à la nôtre (famille, société, humanité). Cette appréciation des valeurs se traduit en jugements qui diffèrent essentiellement des jugements logiques : nous chercherons à les caractériser quand nous étudierons leur expression dans le langage.

Mais nous ne subissons pas toujours la vie : nous la faisons aussi ; la façon même dont nous