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de grammaire, de rhétorique ou d’art d’écrire, on s’est demandé quel parti il y a à tirer du langage pour la formation logique de la pensée, la correction et la pureté du style, la culture littéraire et surtout l’intelligence des auteurs classiques, pris non seulement comme modèles à imiter, mais comme normes linguistiques ; toutes préoccupations fort légitimes en elles-mêmes, mais étrangères à la recherche scientifique et incapables de révéler la raison d’être, la véritable nature du langage.

Il vaudrait la peine de montrer à quels excès et à quelles erreurs a conduit cette fausse conception ; c’est d’abord le fétichisme de la langue écrite, accompagné, bien entendu, d’un mépris souverain pour la langue parlée, qualifiée de « vulgaire », et qui est pourtant la seule véritable, parce que la seule originelle ; c’est la superstition d’une langue classique immuable, proposée comme modèle à toute la postérité ; enfin l’action néfaste du purisme, qui veille jalousement sur ce palladium et frappe d’interdiction toute forme nouvelle qui s’écarte de la correction. Nul effort cependant ne parvient à arrêter le mouvement irrésistible de la poussée vitale et sociale qui détermine l’évolution du langage. L’idiome vulgaire et parlé continue sa