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Et ceci rappelle de très près l’histoire de l’art, où il n’est pas possible de découvrir un progrès, mais seulement un mouvement oscillatoire et des rythmes.

La vie de l’homme nous offre dans toutes ses manifestations un gaspillage effroyable d’efforts et d’existences. Qui sait ? Aucun de ces efforts n’est perdu peut-être ; mais, pour croire au progrès intégral, on est obligé de mettre, pour ainsi dire, l’éternité dans son jeu. Pour le progrès linguistique, il n’en va pas autrement : l’histoire du langage offre l’image d’une dépense insensée de formes linguistiques : ce n’est qu’une succession de ruines et de reconstructions

Une seule chose ne peut être niée : l’aspiration de l’homme vers le mieux, sa foi dans la perfectibilité de toutes choses. Cette foi est inlassable, elle renaît après toutes les déceptions et toutes les chutes. La philosophie est une preuve admirable de cet instinct indéracinable : depuis que l’homme s’est mis à penser, les philosophes ne cessent d’édifier des systèmes qui tous semblent nous ouvrir les portes de l’infini et de l’éternité, et qui le lendemain sont anéantis par des systèmes opposés ; mais chaque fois, la poussée vers la vie et la croyance reprend un