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M. Cartailhac, entre 6 000 et 250 000 ans avant J.-C. »

Quel enseignement tirer des langues nées et mortes dans le court espace de temps que notre vue peut embrasser, c’est-à-dire entre 3 000 ans avant J.-C. et le xxe siècle de notre ère ? Y surprend-on un développement certain du langage humain ? Plusieurs langues parlées avant les Grecs et les Romains ont atteint un degré de perfection que beaucoup de nos langues modernes ignorent ; ainsi le sanscrit présente un idéal d’exactitude logique à faire pâlir d’aise un espérantiste. Quant au grec, il suffit de dire qu’il a pu rendre la pensée d’Homère, de Sophocle, de Platon et d’Aristote ; quelle langue a jamais mieux servi les formes les plus diverses de l’idée et du sentiment ? L’indo-européen lui-même, pour autant que la science actuelle permet de le reconstruire, ne donne nullement l’impression d’un idiome primitif.

Ainsi, même pour le langage humain vu dans l’ensemble de son développement, le progrès linguistique n’est rien moins qu’une certitude. Nous surprenons plutôt, dans toutes les phases de son évolution, un mouvement perpétuel à forme rythmique, une sorte d’oscillation décomposée elle-même en oscillations de moindre ampleur.