Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’idée de ce qu’a pu être une langue primitive. » Les tribus kolaryennes de l’Inde, qui sont encore à ce point de barbarie qu’elles ignorent à peu près la poterie et l’usage des métaux, ont une langue riche et ingénieuse, abondante en nuances d’expression. Le français du xiie siècle fait l’admiration des linguistes ; cette époque n’est pourtant pas la plus brillante de la civilisation française. La perfection linguistique ne suit donc pas nécessairement la courbe de la culture

Faute de juger sans parti pris et de séparer résolument une langue du peuple qui la parle et du degré de civilisation qu’elle suppose, nous voyons la langue des sauvages à travers leur culture inférieure. On nous dit par exemple que chez les Cafres les femmes parlent une autre langue entre elles et avec les hommes ; c’est un fait analogue à ce que nous avons appelé des langues spéciales, et l’origine de cette distinction est purement sociale ; est-on bien sûr que le cas soit très différent de celui d’un huissier français qui, en famille, parle comme tout le monde, mais, pour libeller une minute, écrit un charabia que beaucoup de ses compatriotes sont incapables de comprendre ? Il paraît aussi qu’un peuple sauvage a un nom différent pour dési-