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de bascule, gain d’un côté et perte de l’autre.

Ces faits, comme tous ceux que nous avons analysés, font toucher du doigt l’erreur de ceux qui cherchent à prouver le progrès linguistique en découpant dans le système d’une langue deux ou trois faits marquant un progrès ou une régression, pour en conclure ensuite que l’ensemble de la langue progresse ou recule ; un système linguistique est une chose trop complexe pour que cette méthode suffise à cette recherche. Comme on l’a vu, il y a toujours marche en avant sur certains points, reculade sur d’autres, et il est très difficile de calculer, à un moment donné, l’actif et le passif d’une langue ; on peut la comparer à un front d’armée où quelques régiments avancent, d’autres restent en arrière, sans compter que d’autres encore sont décimés par les obus ennemis.

Mais il y a plus : on a l’impression que les opérations du langage, comme les transformations sociales et politiques, comme notre développement physique et moral, échappent en grande partie à notre observation directe en même temps qu’à notre contrôle. Elles sont du domaine de l’inconscient et de l’intuition ; pour saisir exactement le travail souterrain de l’instinct linguistique, il faudrait avoir prise sur l’esprit