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écrivains, gênent la fonction sociale du langage. L’allemand a beaucoup plus de mots qu’il ne lui en faut, et, chose plus grave, il regorge de formes grammaticales concurrentes ; de là une grande liberté dans l’usage individuel de la langue. Beaucoup s’en félicitent : en réalité c’est une entrave ; les tolérances linguistiques ne favorisent nullement la rapidité des échanges par le langage ; toute diversité suppose un choix à faire, c’est-à-dire un effort inutile ; pour être un levier social, le langage a besoin d’une discipline ; l’indépendance ne lui est pas plus utile que le luxe et le superflu. Telle est la situation actuelle de l’allemand.

Mais cette supériorité du français n’est-elle pas compromise par d’autres influences ? Allons-nous retrouver ici le jeu de bascule que l’évolution linguistique nous présente sans cesse ?

En fait, le progrès social entraîne une différenciation croissante des sous-groupes de la communauté, et cette différenciation se traduit automatiquement dans le langage.

D’abord les rapports entre individus se diversifient en s’affinant. De là toutes sortes de nuances linguistiques qui compliquent l’échange des idées et qui sont aussi illogiques que les nuances affectives dont il a été parlé dans la première