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nions, de sentiments partagés par toute la communauté. On a pu dire avec quelque exagération que, pour avoir du style, un Français n’a qu’à écrire comme les bons auteurs français. Cette langue semblerait donc avoir atteint un degré idéal d’unification, si l’on ne tenait pas compte de facteurs de décentralisation dont nous parlerons plus bas ; vue du dehors, elle apparaît comme un merveilleux instrument d’échanges sociaux.

La position de l’allemand est loin d’être aussi favorable. Les dialectes y sont encore en pleine vie, depuis la Mer du Nord jusqu’au Gothard, non seulement dans les campagnes, mais jusqu’au cœur des villes. Quelle action exercent-ils sur la langue commune, le hochdeutsch ?

Cette langue est comme une mer où ils vont se déverser ; grâce à eux, le niveau change sans cesse, la qualité des eaux est continuellement modifiée. Ils encombrent la langue de leur vocabulaire spécial, pittoresque et bigarré ; la diversité de leurs tours grammaticaux retarde l’unification des formes et de la syntaxe, à tel point qu’il est peu d’œuvres littéraires où les particularités dialectales ne jouent aucun rôle expressif. Mais ces richesses, qui donnent tant de saveur réaliste à l’expression courante et au style des