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REINE D’ARBIEUX

secret profond de silence et de poésie qui éveillait cette part de son être où des goûts semblables, telle la dryade prisonnière, étaient engourdis.

Adrien fit avec elle le tour du salon, écouta d’un air de déférence les mots spontanés que Reine lais­sait échapper, l’enveloppant à plusieurs reprises d’un regard qui la pénétrait. Puis il s’assit de nou­veau au fond du fauteuil bas, étendit un peu ses jambes, se sentit à l’aise.

Comme il découvrait chez la jeune femme ce sentiment vif de la beauté, des choses de l’art, qu’une enfance rustique avait amassé, il se repré­senta qu’il lui serait facile de flatter ce goût. Ce célibataire, rencogné dans une petite chambre, chez le maréchal ferrant du village, nourrissait de lectures un esprit curieux que la médiocrité de sa tâche laissait désœuvré. Son séjour à Paris l’avait aussi largement pourvu de souvenirs et d’observations que sa vie solitaire avait fait mûrir. Sous la supériorité que l’on pressentait vague­ment en lui, il y avait toute cette expérience, mêlée au goût âcre de la jeunesse qui a souffert. Que de ressources pour pousser un gibier crédule dans le piège qu’il voulait lui tendre ! Il avait demandé la permission d’allumer une cigarette, chercha un cendrier sur le coin de la cheminée, sourit à Reine. Il s’installait. Sa place était mar­quée, conquise.

Dans la pénombre, elle contemplait ce visage aigu, tout à l’heure empourpré par la chaleur, ce cou ramassé dans les épaules. Un homme à la fois taci-